Le bricolage, une affaire sérieuse

Ou l'art de la bricole ?

Je n'aime pas vraiment employer le terme de « bricolage » car il il revêt souvent une connotation négative, avec un environnement sémantique du type « de bric et de broc », « c'est du bricolage », « bricolo et bricolette », « bricoleur du dimanche », etc. Vous avez peut-être remarqué que je le place toujours entre guillemets avec un lien qui renvoi vers cette page explicative où je peux préciser ma pensée.

“Mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde”
(Apocryphe d'Albert Camus)

A contrario, il ne s'agit pas non plus de se gargariser de termes pompeux en parlant d'ébénisterie quand il s'agit de fabriquer un tabouret en planches de palettes avec des vis. L'équilibre est donc difficile à trouver sans faire des circonvolutions et le « bricolage » / « bricoler » / « bricoleur » restent des termes génériques employés par la plupart des gens pour désigner des travaux à domicile, des choses que l'on fait soi-même en général.

Il n'est pas évident de faire l'impasse dessus étant donné que c'est le terme majoritairement employé dès lors qu'il s'agit de fabriquer quelque chose dans son garage par exemple.

Néanmoins, j'évite de l'utiliser autant que faire se peut...

J'apprécie davantage l'usage d'un acronyme anglo-saxon qui n'a pas vraiment d'équivalent aussi efficace en français, le DIY pour Do It Yourself (ou faire soi-même). Ce n'est donc pas pour "faire américain" que je préfère cette formulation mais tout simplement parce qu'elle me semble beaucoup plus signifiante, je développe ci-après.

La philosophie Do It Yourself, c'est punk ?

#DIY def est un concept qui a du sens : il ne limite pas l'action de « bricoler » à une sorte de loisirs créatif cantonné aux jours fériés, mais désigne une palette d'activités beaucoup plus large.

En réalité, ce concept s’étend à de nombreux domaines tels que la musique, le design, les logiciels libres, à l'autogestion, à l'anarchisme, ou aux mouvements squat et punk. Do It Yourself est associé au besoin de créer, d'avoir une certaine indépendance par rapport à l'industrie et aux grands groupes commerciaux, de retrouver un savoir-faire abandonné, de rechercher la gratuité ou des prix faibles, qui poussent à trouver des solutions pour faire le maximum de choses par soi-même.

“L'indépendance n'est pas un état de choses. C'est un devoir”
(Vaclav Havel, Méditations d'été)

Pour la petite histoire, dixit Wikipedia, dans la culture punk, l'éthique DIY est liée à la vision punk anti-consumériste ; c'est un rejet de la nécessité d'acheter des objets ou d'utiliser des systèmes ou des procédés existants. C'est également une réaction à l'échec politique, économique et social des Trente Glorieuses qui n'ont pas tenu leurs promesses et laissé dans la précarité toute une partie de la population. Cette éthique a notamment été véhiculée par le slogan « DIY or Die » (« Fais-le toi-même ou meurs ») qui exprime l'idée de s'en sortir par soi-même sans rien attendre d'autrui.

Le Do It Yourself est donc un concept politique ou à tout le moins politisé/politisable, une approche concrète avec une mise en pratique de l'écologie (upcycling), parfois même de l'anticapitalisme par anti-consumérisme. Pas seulement un acronyme pour désigner des activités de travail manuel à titre de loisirs.

Do It Yourself, un concept qui m'inspire

Sans vouloir faire de la politique, ce n'est pas l'objet de ce projet, il me semble évident que dans le contexte politico/économico/social actuel, le DIY au sens large est une philosophie qui devient de plus en plus pertinente. Les crises politiques, écologiques, économiques et énergétiques qui se multiplient poussent à l'initiative citoyenne et à la débrouillardise.

“Le monde du partage devra remplacer le partage du monde”
(Claude Lelouch)

Mon histoire personnelle, si vous l'avez lue, m'a démontré qu'on ne peut plus rien attendre des institutions en déliquescence. Essayer d'être le plus autonome possible devient une nécessité et peut-être un jour malheureusement une question de survie.

Alors j'essaie, modestement, à mon échelle de mettre en pratique ces concepts et de concilier l'inconciliable. A mon sens, ce choix des mots revêt une importance particulière et ce n'est ni de la prétention ni du rejet que de préférer parler de DIY plutôt que de « bricolage » ou de #maker (celui qui fait/fabrique) plutôt que de « bricoleur ».

J'espère à travers ces quelques lignes avoir su expliquer mes choix sémantiques et pourquoi je considère qu'ils sont importants. Je pourrais tenter de résumer en disant que bricoler est un loisir alors que le #DIY « faire soi-même » est un choix de vie, une philosophie ou même pour certains un projet politique.

Pour ce qui me concerne c'est une nécessité si je veux garder un toit sur la tête, je n'ai plus le choix...